Les songes de la Terre

Tout commence dans mon village, chez des amis chers à mon coeur, là où le sol argileux garde en lui la mémoire des saisons.

C’est là que j’extrais la terre, à la main, avec leur aide de la patience et du respect. Une fois récoltée, je la dépose dans de grands barils et l’immerge entièrement dans l’eau. Ce bain long et silencieux dure plusieurs semaines. Peu à peu, la terre se défait, devient liquide, plus docile.

Je viens alors la remuer régulièrement, m’assurant qu’aucun fragment n’échappe à la dissolution. Lorsque la matière est prête, je la filtre à travers un tamis très fin, presque textile, pour en retirer les cailloux, brindilles et autres impuretés. Seule reste une argile pure, lisse comme du velours.

La terre filtrée repose ensuite dans des seaux. Avec le temps, l’eau s’évapore lentement, laissant apparaître une matière souple, encore humide. Je la retire alors, la dépose sur un torchon et laisse le vent et les jours faire leur œuvre.

Durant ces semaines, je la travaille régulièrement, je la façonne, la retourne. Petit à petit, elle prend forme, devient un rondin solide, prêt à être modelé.

Avant de me lancer, il a fallu tester sa résistance à la cuisson. Plusieurs essais, et de nombreux doutes. Mais toujours avec autant de passion et à force de patience, la terre a révélé sa capacité à traverser la chaleur sans se briser.

Cette argile est particulière. Très souple, très malléable, mais aussi fragile, car elle ne contient pas de chamotte. Elle exige une main attentive, une écoute du geste, un dialogue avec la matière. Il m’aura fallu presque une année pour apprivoiser cette terre, et aujourd’hui, nombreuses sont mes sculptures qui naissent de cette alchimie.

Ce qui les rend uniques, c’est justement cette terre. Je ne mesure jamais les mélanges que je fais parfois avec des terres du commerce. Ainsi, la couleur varie à chaque fois. Chaque pièce a sa propre teinte, sa propre texture, son propre caractère. Aucune n’est semblable à une autre. Et c’est cela que j’aime par-dessus tout : qu’elles soient, à l’image de ce processus, profondément vivantes.

J’espère que le processus de A à Z saura vous charmer et que vous serez sensible aux énergies qui émanent de chacunes de mes créations.